La Cour de cassation confirme la nullité des prêts toxiques en francs suisses et les restitutions qui en découlent – Village de la justice

Publication

19 juillet 2023

Par un arrêt du 12 juillet 2023 (Civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030, FS-D), la Première chambre civile de la Cour de cassation parachève sa jurisprudence sur le caractère abusif d’une clause relative au risque de change stipulée dans un contrat de prêt en francs suisses, assurant ainsi l’effectivité de la protection des consommateurs contre les clauses abusives telle que voulue par le législateur européen tant en ce qui concerne le délai dont ils disposent pour agir que la sanction qu’ils peuvent obtenir.

Depuis la fin des années 1990, de nombreux établissements bancaires français, notamment BNP, Crédit mutuel et Crédit agricole, proposent à des consommateurs français, pour financer leur résidence principale ou un investissement locatif, de souscrire des prêts en francs suisses, amortissables ou in fine, dans le cadre de montages contractuels souvent complexes.

Ces prêts, présentés par les banques comme avantageux en raison de leurs taux d’intérêt en apparence attractifs, se sont rapidement révélés toxiques puisqu’ils font supporter aux consommateurs seuls un risque de change illimité, dont la réalisation leur cause un préjudice financier particulièrement important, sans pour autant les en avoir correctement informés.

Ce risque de change s’étant réalisé par l’effet des crises économiques successives intervenues à partir des années 2000, les prêts libellés en francs suisses ont généré partout en Europe et notamment en France un contentieux très abondant.

L’affaire Helvet Immo, du nom commercial d’un prêt en franc suisse commercialisé par les sociétés UCB et BNP Paribas Invest Immo, devenues ensuite Cetelem puis BNP Paribas Personal Finance, en est l’illustration parfaite. Ce prêt a donné lieu à la condamnation pénale de la banque en première instance notamment du chef de pratique commerciale trompeuse dès lors que les consommateurs à qui ce prêt avait été commercialisé n’avaient pas été mis en mesure de comprendre le risque de change auquel ils s’exposaient et encore moins les conséquences désastreuses de sa réalisation sur leurs situations financières . Ce prêt a également donné lieu a plus de 2.000 actions de consommateurs devant les juridictions civiles, qui portent aujourd’hui principalement sur le caractère abusif des clauses du contrat qui font supporter au consommateur le risque de change.

Ces actions devant les juridictions civiles, dans le cadre de l’affaire Helvet Immo, ont permis une évolution singulière du droit français des clauses abusives, sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). En effet, à la suite de questions préjudicielles posées dans le cadre de ces actions devant les juridictions civiles, la CJUE a rendu deux arrêts déterminants le 10 juin 2021, rappelant l’interprétation qu’il convient de faire de la Directive 93/13. La Cour de cassation, ensuite de ces arrêts du 10 juin 2021, a reviré sa jurisprudence initialement favorable à la banque pour donner raison aux consommateurs par deux séries d’arrêts du 30 mars 2022 et du 20 avril 2022, par la suite confirmés à plusieurs reprises.

Des décisions identiques ont été rendues au bénéfice d’emprunteurs ayant souscrit d’autres prêts en francs suisses similaires, notamment commercialisés par le Crédit Mutuel.

Dans le prolongement de ces arrêts, le 12 juillet 2023, la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée sur un prêt en francs suisses souscrit auprès du Crédit Mutuel. À l’occasion de cet arrêt particulièrement important, publié aux lettres de la chambre du même jour et annoncé par un communiqué de presse, la Cour de cassation parachève sa jurisprudence relative au caractère abusif des clauses relatives au risque de change dans ce type de prêts en se prononçant pour la première fois sur la sanction attachée au caractère abusif de ces clauses ainsi que sur ses conséquences.

Publication de Charles Constantin-Vallet. La Cour de cassation confirme la nullité des prêts toxiques en francs suisses et les restitutions qui en découlent. Village de la justice, 18 juillet 2023.

Retrouvez la publication complète ici